top of page

 Vignobles des pays de Savoie : héritages et mutations.

La culture de la vigne sur les contreforts alpins est attestée, comme ailleurs en France, dès l’époque romaine… avec toutefois la particularité d’une « vitis allobrogica », citée par Pline l’Ancien, qui pourrait désigner une sorte de proto-mondeuse, dont l’ampélographie a démontré qu’elle était à l’origine, via la mondeuse blanche et la duréza d’Ardèche, de la célèbre syrah.

Le vignoble savoyard doit son premier développement à l’éphémère royaume burgonde, faisant le lien entre l’Antiquité et les débuts de Moyen Âge, puis à la christianisation. En effet, l’usage liturgique du vin explique l’essor des vignobles sous l’impulsion de l’épiscopat et des monastères (Grande Chartreuse, chartreuse d’Aillon, abbaye cistercienne d’Hautecombe, abbaye de Tamié…). Sans négliger l’influence des comtes, puis ducs de Savoie, qui s’assurent du prestige de servir à leurs tables des vins de leurs propres clos. Les vignobles se développent ensuite pour répondre aux besoins de la noblesse, et petit à petit, des villes et des populations locales.

C’est ainsi que, pendant la brève période du premier rattachement de la Savoie à la France (1792-1815), la vigne occupe 12 500 ha (*) sur le département du Mont Blanc (actuelles Savoie et Haute-Savoie), avec une grande variété de cépages. L’inventaire réalisé en 1803 sur l’ensemble du territoire français relève une petite cinquantaine de cépages de cuve dans le département du Mont-Blanc, dont près de la moitié sont spécifiques aux Alpes. Sont alors cités : le chasselas, l’altesse, la jacquère, la roussette, la malvoisie, le persan…

Après les catastrophes à répétition du XIXe siècle (oïdium, mildiou, phylloxera), la reconstitution du vignoble savoyard se fait, à l’instar du reste de l’Europe, par greffage sur des plants américains, encourageant la création de pépinières et l’analyse des sols, en grande partie calcaires, afin d’adapter au mieux les variétés replantées.

Le saviez-vous ?

C'est ainsi que la Combe de Savoie est devenue la deuxième ou troisième (selon les années) région française productive de plants greffés, approvisionnant les grandes régions viticoles françaises, en particulier la Bourgogne et la Champagne, ainsi que des vignobles étrangers.

La replantation, qui s’effectue en partie sur de nouvelles parcelles, et avec une nouvelle méthode en treille, entraîne une forte évolution des paysages, notamment entre Chambéry et Albertville.

Ce n’est pourtant que le début d’une mutation ayant donné aux vignobles savoyards ses caractéristiques du XXe siècle et de ce début de XXIe siècle. En effet, la surproduction française des premières années 1900, suivie de la première guerre mondiale, conduisent à l’exode rural ou à l’abandon de la viticulture, souvent au profit de pâturages. Pour esquiver la concurrence des vins rouges du Languedoc, de l’Algérie et de l’Italie, les viticulteurs restant se tournent massivement vers la production de vin blanc, essentiellement issu du cépage jacquère. Toutefois, le recul des surfaces cultivées en vigne se poursuit pendant la deuxième guerre mondiale, qui semble lui donner le coup de grâce… Et pourtant, il n’en est rien ! En effet, la volonté de quelques vignerons, élus, négociants, amoureux du territoire en villégiature impulse, dès les années 1940, la création d’appellations et de VDQS, devenus AOC puis AOP, avec leur dénominations géographiques complémentaires. Elles permettent d’assurer la qualité, la pérennité et la renommée de plusieurs vignobles des deux Savoie. Citons Seyssel, Ayse, Crépy, Ripaille, Marestel, Apremont, Chignin … inventaire loin d’être exhaustif, qui méritera quelques zooms spécifiques. Sans oublier l’IGP Vin des Allobroges, qui couvre une vaste aire géographique permettant, le cas échéant, le retour de la viticulture dans d’anciens terroirs ainsi que la renaissance de vieux cépages ; ce sera aussi l’objet de quelques « zooms » à venir.

Impossible toutefois de terminer ce survol de l'histoire des vignobles savoyards sans évoquer le boom des sports d'hiver qui, par l'augmentation parfois effrénée de la production afin de satisfaire la demande, a valu au vin de Savoie d'être considéré par certains comme "juste bon pour la fondue" ; la reprise en main opérée dans les années 90 et le début de ce siècle, souvent par de jeunes vigneron(e)s, a redressé la qualité et la réputation des AOP comme des Vins des Allobroges, ces derniers facilitant l'expérimentation, notamment autour de vieux cépages.

(*) le vignoble savoyard s'étend aujourd'hui sur à peine plus de 2 000 ha, ce qui en fait le deuxième plus petit de France, après le Jura

Source historique :

« La vigne et le vin dans les Pays de Savoie, des origines à nos jours » par Christian Guilleré et Anthony Pinto (SAS Éditions 3dvision, 2015)

 

Pour en savoir plus 

bottom of page